Article paru sur Mediapart le 30 novembre 2017. Lien : Artcile Médiapart.
Manifeste pour une alternative végétarienne à la cantine
En tant que parents habitant les quartiers populaires, nous demandons qu’une alternative végétarienne soit systématiquement proposée aux enfants dans toutes les cantines scolaires de France, et ce dans l’intérêt de nos enfants, de tous les enfants. C’est un enjeu de santé publique, un enjeu de justice sociale, et finalement, un enjeu de civilisation.
Car quelles sont les situations concrètes auxquelles nos enfants sont confrontés à la cantine lorsque seul le plat avec viande leur ai proposé ?
- Quand nos enfants ne mangent pas la viande, ils ne mangent pas à leur faim, ou en tout cas ils ne mangent pas un repas équilibré,
- Nos enfants les plus jeunes sont pris dans un conflit d’autorité entre nous, parents, qui leur demandons de ne pas manger de viande pour des raisons souvent éthiques, et l’institution qui au contraire les incite à la « goûter »,
- Nos enfants qui expérimentent là, dès leur plus jeune âge, une gêne, voire même une honte, vis-à-vis de leur culture et/ou de leur religion
- Nos enfants à qui l’on refuse le droit de voir leurs parents leur transmettre leurs valeurs et leurs convictions,
- Nos enfants qui mangent trop de viande, beaucoup trop, et qui ont une alimentation qui n’est, de ce fait, pas saine,
- Nos enfants qui voient leurs parents, leur mère en particulier, courir à midi pour venir les récupérer, dans le stress et la fatigue, loin du moment de qualité et de grande sociabilité que devrait être pour eux le temps du repas.
Ce problème tel qu’il est décrit ici est un problème qui touche des millions d’enfants, il a des conséquences quotidiennes mesurables par rapport à l’immense gaspillage de nourritures jetées à la poubelle à chaque fin de repas dans les cantines scolaires.
Pourquoi un tel problème, qui paraît si simple à régler, ne trouve pas de solution alors que les scientifiques et les experts en nutrition sont unanimes aujourd'hui sur la question de la viande ? Que nous disent-ils ?
- Les animaux, dont est extraite la viande servie à la cantine, ont quasiment tous subi de la maltraitance, et ont été abattus dans d’horribles souffrances qu’il est indigne d’infliger à des animaux,
- La viande servie à la cantine, est très majoritairement d’origine industrielle, elle est souvent de mauvaise qualité,
- L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) conseille de ne pas dépasser le seuil de 2 à 3 fois de la viande par semaine. Or, nous avons affaire à une cantine scolaire qui propose souvent 4 fois sur 5 de la viande pour le seul midi, hors week-end,
- De nombreuses études scientifiques sérieuses ont montré que la viande rouge était cancérigène,
- Il est prouvé que nos enfants ne mangent pas assez de fruits, de légumes, de légumineuses, et que cela nuit à leur santé physique et à leur épanouissement,
- Il est aujourd’hui prouvé scientifiquement qu’un repas végétarien peut être parfaitement équilibré, que l’idée d’une viande indispensable lors du repas n’est qu’un mythe, et que le repas végétarien est d’égale, voire de meilleure, qualité nutritionnelle que le repas avec viande.
On pourrait multiplier ainsi les arguments en termes de santé publique pour convaincre qu’il faut une alternative végétarienne à la cantine comme première étape d’une réflexion de fond sur nos habitudes alimentaires à tou-te-s.
Car il s’agit véritablement d’un enjeu civilisationnel.
Cette question de l'alternative végétarienne à la cantine renvoie à de nombreuses questions de fond :
- Quel droit pour nos enfants de bien manger, de manger des aliments au bon goût, de manger varié, de manger des aliments sains, en respectant les saisons, en respectant la nature, en respectant leur corps ?
- Quel droit ont véritablement nos enfants de voir leurs parents leur transmettre leurs valeurs et leur éthique ?
- Quelle justice sociale quand des enfants n’ont pas accès à la cantine parce que cette alternative végétarienne n’existe pas, ou du moins quand des enfants n’ont pas droit à un repas équilibré ?
- Quelle place abandonne-t-on à l’industrie agro-alimentaire qui ne cherche que le profit, au détriment de la santé et du bien-être de nos enfants ?
- Quelle place accorde-t-on au contraire à la dimension culturelle, voire spirituelle, de l’alimentation, dans une société de plus en plus désenchantée et matérialiste ?
- Quelle place accorde-t-on à la transmission nécessaire entre parents et enfants, entre une génération vis-à-vis de la suivante ?
- Quelle liberté de conscience et quelle liberté de culte pour nos enfants ?
- Quels questionnements pour nous parents, pour nous adultes, dans le rapport à la nourriture, dans le rapport à la viande, dans le rapport à la maltraitance des animaux, dans le rapport à la malbouffe généralisée et à l’empoisonnement vers lesquels semblent nous mener inexorablement les industries agro-alimentaires ?
Cela fait des années que nous, parents des quartiers populaires, militons au niveau local pour que cette alternative végétarienne soit systématisée à la cantine. Nous avons organisé de nombreux débats, de nombreuses conférences avec les plus grands nutritionnistes, experts, pédiatres etc. Nous avons également organisé de nombreux ateliers avec les enfants dans le cadre d’une démarche d’éducation populaire.
Et nous sommes catégoriques : la société française dans son ensemble est prête aujourd'hui pour cette alternative végétarienne à la cantine.
Ainsi par exemple, un sondage a été réalisé par l’association EEB (Ensemble pour les Enfants de Bagnolet) auprès des parents de Bagnolet de tous profils sociologiques. Ce sondage montre que 96% des parents sondés de cette ville sont pour une alternative végétarienne à la cantine.
Par ailleurs, de nombreuses villes ont mis en place cette alternative végétarienne (Bordeaux, Perpignan, Toulouse, Fontenay-sous-Bois, etc) et les retours que nous en avons montrent qu’il y a eu progrès en termes de santé des enfants, de bienveillance à leur égard, et en termes de justice sociale. Pourquoi ne pas généraliser à l’ensemble du territoire ce qui fonctionne bien dans plusieurs endroits ? Pourquoi les enfants ne sont pas à égalité dans l’accès à l’alternative végétarienne, selon qu’ils vivent à tel endroit plutôt qu’à tel autre ?
Une proposition de loi pour une alternative végétarienne dans toutes les cantines de France à l’horizon 2018 existe déjà. Elle a été déposée à l’Assemblée nationale par le député Yves Jégo en 2015, et est inspirée par le bon sens, et par des enjeux en termes de justice sociale et d’égalité. Nous demandons à ce que cette proposition de loi soit remise au goût du jour, et que son contenu soit adopté.
Si cette loi était adoptée, l’alternative végétarienne serait enfin une « réforme » qui irait dans le sens du progrès social, dans le sens d’une amélioration de la qualité de vie pour tou-te-s, dans une période où les gouvernants ont plutôt tendance à annoncer des « réformes » qui dégradent nos conditions de vie, en tout cas celles des classes populaires.
Et ce serait l’une des rares « réformes » qui ferait consensus dans la société.
Les enfants qui prennent leur repas à la cantine sont nos enfants, nous sommes entièrement responsables de leur éducation, de A à Z, y compris pour ce qui concerne leur alimentation. Nous les aimons, et nous voulons ce qu’il y a de mieux pour eux, en termes de santé, de bien-être, de confiance en soi, et d’épanouissement. Pour ces raisons, pour nos enfants, pour tous les enfants, nous demandons une alternative végétarienne dans toutes les cantines scolaires de France.
Front de Mères
Article paru sur Mediapart le 30 novembre 2017. Lien : Artcile Médiapart.