Décès de Sourour Abouda dans un commissariat : la lettre de sa famille au procureur du Roi

Décès de Sourour Abouda dans un commissariat : la lettre de sa famille au procureur du Roi

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Carte blanche – Décès de Sourour Abouda dans un commissariat : la lettre de sa famille au procureur du Roi

Mis en ligne le 11/10/2024 dans la PAC, mouvement écosocialiste : https://www.pac-g.be/deces-de-sourour-abouda-dans-un-commissariat-la-lettre-de-sa-famille-au-procureur-du-roi/

Il y a bientôt deux ans Sourour Abouda décédait dans une cellule de la police de Bruxelles-Capitale-Ixelles, dans des conditions qui continuent de soulever bien des questions. Entre janvier 2021 et janvier 2023, pas moins de trois personnes, dont elle, sont mortes au même endroit alors qu’elles étaient placées sous la supervision des forces de l’ordre. Aujourd’hui, la famille adresse une lettre ouverte au Procureur du Roi de Bruxelles en se disant inquiète quant à la lenteur de la procédure pénale dans cette affaire.

Monsieur le Procureur du Roi,

Vous nous avez reçus en mars 2023, quelques mois après la mort tragique et suspecte de notre mère, fille et sœur, Sourour Abouda, survenue lors d’une intervention policière injustifiée et troublante le 12 janvier 2023 au commissariat de la rue Royale à Bruxelles. Durant cet entretien, vous nous avez assuré que le parquet menait une enquête impartiale. Cependant, malgré nos demandes, vous avez refusé la nomination d’un juge d’instruction, ce qui nous a contraints à nous constituer partie civile. La Ligue des Droits Humains s’est également jointe à nous dans ce processus juridique.

Cette démarche de constitution de partie civile prolonge, par conséquent, la durée de la procédure, entraînant des frais juridiques bien plus conséquents et compliquant davantage l’accès à une justice équitable, tout en créant un état émotionnellement encore plus éprouvant pour notre famille. Si vous aviez nommé vous-même un juge d’instruction en temps utile, la procédure aurait avancé directement sous votre supervision, permettant ainsi d’approfondir l’enquête sans que nous ayons eu besoin de nous constituer partie civile et de faire face à toutes les implications qui en découlent.

Dès lors, le juge d’instruction qui a pris le dossier, Monsieur Anciaux, nous a informés en juillet 2023 que l’enquête pénale était, selon lui, complète et que le dossier avait été renvoyé à votre bureau, afin que vous fixiez une date pour un procès. Depuis plus d’un an, il vous incombe de rédiger un réquisitoire pour clore l’instruction, en décidant soit de renvoyer l’affaire devant un tribunal, soit de la conclure par un non-lieu, une deuxième option que nous rejetons déjà catégoriquement. Nous tenons à affirmer notre position ferme sur la nécessité d’un procès équitable et impartial.

Nos multiples demandes visant à obtenir des informations sur l’évolution du dossier sont restées sans réponse. Mr le Procureur du roi, notre patience a des limites, et après plus d’un an sans avancement de votre part, nous atteignons un point critique. Les affaires comme celles de Jozef Chovanec, Mehdi Bouda, Adil Charrot ou Lamine Bangoura, qui se sont soldées par des non-lieux après de longues attentes, nous rappellent la gravité de la situation de la Justice. Nous ne ferons pas face à une telle lenteur et refusons de rester dans l’inaction et dans le flou. La justice, déjà largement défaillante dans les dossiers impliquant des policiers, manque à ses responsabilités. Cette nouvelle démonstration d’inertie institutionnelle est inacceptable.

La défunte épouse de Jozef Chovanec a dû attendre de février 2018 à septembre 2024 pour que l’enquête sur la mort de son mari se termine par un non-lieu pour les 31 suspects impliqués. Devra-t-on, nous aussi, attendre jusqu’en 2029 pour que le dossier de notre mère, fille, sœur soit clos ? Nous vous le disons avec conviction : cela ne saurait être toléré. Il est de votre devoir de prendre des mesures immédiates et d’agir avec transparence.

Quelles mesures ont été prises pour mettre fin aux dysfonctionnements qui ont conduit à la mort de trois personnes racisées, Ilyes Abbedou, Mohamed Amine Berkane et Sourour Abouda dans le commissariat de la rue royale 202 ? La société, tout comme notre famille, ne peut plus rester dans l’attente. Nous exigeons la prise au sérieux de cette enquête, un réquisitoire de votre part, et un procès public impartial.

Monsieur le Procureur du roi, nous souhaitons pouvoir avoir confiance en la Justice, en vous et en l’accomplissement de votre rôle essentiel dans la défense des droits des citoyens. Nous espérons sincèrement que vous prendrez vos responsabilités et agirez dans les plus brefs délais.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Procureur du Roi, l’expression de nos salutations respectueuses.

  • Carte blanche publiée dans le Journal Le Soir (publiée le 11.10.2024)
  • Article à propos de cette carte blanche dans le Journal Le Soir (publié le 11.10.2024)