La polémique sur l’existence d’un racisme anti-blanc resurgit de temps en temps, la plupart du temps dans la bouche de l’extrême droite, mais parfois aussi à gauche.
Dénoncer l’apartheid = un devoir pour tout antiraciste
Récemment, on l’a vue ressurgir en France, lors de la traditionnelle manifestation contre le racisme et la discrimination raciale qui, chaque année, rassemble les antiracistes du monde entier autour de la Journée mondiale de lutte contre le racisme. Des slogans anti-Israël y auraient été proférés.
Nous étions à la manifestation contre le racisme de Bruxelles et nous avons scandé « Israël assassine les enfants de Palestine », munies de nos keffiehs et drapeaux palestiniens.
Toutes les Journées mondiales de lutte contre le racisme doivent – et j’insiste sur le verbe « devoir » – apporter un soutien à la lutte du peuple palestinien et dénoncer le génocide à Gaza et l’apartheid israélien.
La journée du 21 mars commémore le massacre de 69 Sud-Africains, qui manifestaient pacifiquement le 21 mars 1960 contre les lois d’apartheid en Afrique du Sud. Il est logique de nous trouver dans le bloc de solidarité avec le peuple palestinien pour leur apporter notre soutien dans leur lutte contre l’État d’apartheid israélien.
Il n’y a rien de raciste ou d’antisémite à dénoncer l’apartheid où qu’il existe.
On ne peut pas commémorer la lutte contre un apartheid du passé et se taire sur un régime d’apartheid actuel.
Il n’existe pas de racisme structurel à l’encontre des « Blancs ».
N’en déplaise aux haineux sur les réseaux sociaux et aux politiciens qui surfent sur leur mal-être, le racisme anti-blanc n’existe pas.
« Le racisme anti-Blancs n’existe pas pour les sciences sociales, ça n’a pas de sens. En revanche, c’est très présent dans le discours public, on en parle beaucoup : il y a un écart entre ce que racontent les disciplines scientifiques et ce dont on parle dans le débat public. Bien sûr, il peut y avoir des insultes, des agressions, mais est-ce qu’on a besoin d’appeler ça du racisme quand bien même on me dirait “sale Blanc” ? …Je n’entends pas de discours politique anti-Blancs, je ne vois pas de discrimination à l’embauche ou au logement pour les Blancs, je ne vois pas de contrôle au faciès pour les Blancs. »1
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’avis personnel d’un ou d’une telle n’a pas d’incidence sur le réel de tout un groupe social. L’opinion individuelle d’une personne qui n’aime pas les Blancs, Noirs, Arabes, Roms ou Juifs n’a pas d’impact sur le groupe.
Stokely Carmichael, leader des Black Panthers, avait résumé l’idée de manière très simple :
« Si un homme blanc veut me lyncher, c’est son problème.
S’il a le pouvoir de me lyncher, c’est mon problème.
Le racisme n’est pas une question d’attitude, c’est une question de pouvoir. »
Le racisme, une question de pouvoir
Le racisme, c’est un discours politique, des mesures discriminatoires, des politiques publiques qui ont une vraie incidence sur la vie des individus du groupe stigmatisé.
Le raciste cherche à avoir le pouvoir sur ses victimes.
Le pouvoir cherche à pérenniser sa domination en maintenant les racisés en position d’infériorité.
Actuellement, il n’existe aucun discours politique, aucune mesure discriminatoire, aucune politique publique visant délibérément les Blancs, autrement que pour les favoriser.
Le dominant cherche à inverser les responsabilités.
De la même manière, le sexisme anti-homme est une invention des masculinistes.
L’inversion par certains hommes du discours pour l’égalité des féministes a toujours un but caché : celui de rétablir la domination masculine là où elle est fragilisée.
Il n’existe aucune discrimination structurelle qui vise spécifiquement les hommes,
aucune politique publique qui les défavorise.
On ne peut donc pas accepter le sexisme anti-homme comme réalité politique.
Les ultra-riches et la rhétorique victimaire
Encore pire, il arrive que les ultra-riches mobilisent le concept de la discrimination contre un groupe minoritaire – forcément, quand on accapare toute la fortune, on est minoritaire – pour se prétendre victimes de campagnes de haine.
La nécessaire lutte des classes nous pousse à exiger la redistribution des richesses.
Ce qu’ils appellent discrimination à l’égard des milliardaires,
nous l’appelons justice sociale.
Nos vrais combats
Des combats doivent être menés :
✊ Contre le racisme
✊ Contre le sexisme
✊ Contre la précarisation de la population
Ces diversions utilisées par le dominant n’ont aucun autre but que de nous détourner de nos vrais combats.
Et on ne va pas se laisser faire…
Selma Benkhelifa
- Éric Fassin, cité dans l’article de Conte, C. (2019) Peut-on parler d’un racisme antiblanc ? Humanisme, 325(4), 92-96. ↩︎